Le plus compliqué, lorsqu’on crée une start-up est de pouvoir disposer des quelques deniers essentiels au démarrage de l’activité. Sauf à disposer déjà d’un capital ou d’avoir des amis fortunés (Love Money) il n’existe quasiment rien en dehors des réseaux des Business Angels et de quelques incubateurs qui peuvent octroyer aux associés des prêts personnels à taux attractifs. Oubliez carrément les banques ! Leur métier n’est pas (et elles vous le diront) de prêter de l’argent à de jeunes entrepreneurs et moins encore à prendre des risques. Quant aux fonds, ils n’investissent jamais au démarrage d’une activité et interviennent les plus souvent une fois que l’entreprise a trouvé son marché.
Donc, une fois que vous avez obtenu quelques subsides auprès de l’incubateur et réussi à décider d’aimables retraités, membres de clubs de B.A. (Business Angels) après une centaine d’heures de palabres et une bonne douzaine de pitch, à vous confier enfin 20 K€ contre une place au conseil de surveillance, une modification substantielle des statuts et un pacte d’associés d’au moins 120 pages, dignes des plus grandes multinationales, il ne vous reste plus qu’à vous tourner vers Oséo.
Oséo, (détenue à plus de 60% par l’Etat via une EPIC) est justement là pour aider les entrepreneurs innovants à se lancer. L’institution dispose pour cela de toute une panoplie de subventions et de prêts pouvant d’ailleurs se combiner, dès lors que vous répondez aux critères demandés. Comme toute institution étatique, les process sont souvent longs et administrativement compliqués. Mieux vaut donc ne pas être trop pressé, pour obtenir l’accord et surtout disposer des sommes sur son compte. Mais globalement, le système fonctionne plutôt bien ! Concernant les prêts, Oséo se refinance pour une bonne part auprès des banques auxquelles elle apporte sa garantie en caution.
Tout se passe donc pour le mieux dans le meilleur des mondes, tant que votre développement respecte votre Business Plan et que vous pouvez honorer l’échéancier de remboursement. Qui a monté une fois une entreprise sait que le Business Plan ne se réalise jamais. C’est le principe même du Business Plan !
Là ou les choses se compliquent, c’est quand par malheur, votre décollage tarde et que vous n’êtes pas en mesure d’acquitter vos échéances, dans les délais prévus. Schema classique dans le cadre de star-ups technologiques où la mise au point logiciel prend en réalité trois fois plus de temps (et d'argent) que prévu.
Comme tout entrepreneur honnête et responsable, vous appelez votre interlocuteur Oséo pour lui faire part de vos difficultés. Vous lui expliquez que vous ne pourrez vraisemblablement honorer votre dette et lui proposez un remboursement anticipé et partiel du prêt contre un abandon de la créance. Votre interlocuteur (qui n’est bien sûr plus celui qui a instruit votre dossier il y a 2 ans) vous écoute attentivement et vous laisse entendre qu’un arrangement est possible. Il vous explique alors que les entreprises dans votre situation sont monnaie courante et qu’il va soumettre votre proposition en commission pour validation. « Simple formalité ! » vous assure-t-il.
Rassuré, vous entrevoyez un espoir. Dans l’accumulation des difficultés, ce répit apparait comme une bouffée d’oxygène salvatrice. Et vous louez ce système français, unique au monde, et si favorable aux jeunes entreprises.
Et puis voilà que vous recevez, sans autre préavis, une mise en demeure d’Oséo, vous demandant le remboursement intégral du prêt et, pour faire bonne figure, le versement de pénalités pour remboursement anticipé. Bref, au lieu de devoir verser 3 K€ par trimestre pour acquitter vos échéances contractuelles, il vous faut sortir 52 K€ en une seule fois et sans délai, s’il vous plaît.
Bien sûr, cette lettre vous est parvenue avec plusieurs semaines de retard car elle vous a été adressée à votre ancienne adresse (celle indiquée sur le contrat d’il y a 2 ans, pas celle de votre siège social actuel où Oséo, pourtant, vous écrivait jusqu’alors). Il faut dire qu’elle n’émane pas du gestionnaire de votre contrat mais du Service Contentieux (qui ne vous connaît pas).
Comme vous n’avez pas eu le temps d’y répondre dans le temps imparti, vous vous retrouvez assigné au tribunal. Vous rappelez votre conseiller, qui vous esquive mais finit par vous dire qu’il n’y peut rien, le dossier n’étant plus de son ressort. Vous tentez alors d’entrer en contact avec le responsable de votre dossier au contentieux. Celui-ci refuse de vous voir mais accepte de lever la procédure à condition que vous vous engagiez par écrit à respecter intégralement les clauses du contrat. Bref, vous voilà face à un mur et qui plus est, dans une impasse. Comme la justice est rapide, votre dossier traine pendant plus d’un an. Il est appelé tous les 2 mois en séance où il est systématiquement reporté à la suivante. La vie de votre entreprise est alors en suspend. Vous ne pouvez plus rien prévoir. Et au lieu de consacrer votre énergie à développer votre buisines vous l’allouez à votre défense. Ce qui n’est pas ultra productif ! Sans l’assistance bénévole d’un ami avocat, vous y auriez aussi englouti vos derniers euros. Au final, deux solutions s’offrent à vous : attendre la fin du procès et espérer que le juge reconnaissent votre bonne foi et vous accorde un délai (ce qui revient à peu près au même que croire au Père Noël) ou déposer sans plus attendre votre bilan et sceller définitivement le sort de votre entreprise qui, avec un peu de temps et d’avantage de souplesse de la part de ses créanciers aurait probablement fini par trouver son marché.
Qu'une entreprise meurt avant même d'avoir vraiment eu le temps de prouver sa viabilité est fréquent. Mais que cette fin prémturée soit venue de ceux dont la seule mission d'ordre public est de l'assister et de la protéger dans une phase délicate est plutôt paradoxal.
L’ironie de l’histoire c’est qu'in finé, tout le monde est perdant. Moi, bien sûr, qui suis obligé de mettre la clé sous la porte mais aussi l’Etat, qui ne recouvrera jamais sa créance ayant investi à perte l'argent des contribuables. Et enfin l'économie française dans son ensemble qui, au lieu de parier sur la création de richesses et le développement de l'emploi par l'innovation, voit mourir, les unes après les autres ses jeunes entreprises, décourageant par là même l'esprit entrepenarial dont notre pays à tant besoin.
Un beau gâchis !
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